Elle semble à elle seule défier l’époque, technologique et superficielle.
Dès les premières notes, Orchia d’Orio nous plonge dans le voyage imagé, dans la nostalgie qui serre déjà le coeur. La pianiste, invitée en ouverture du festival « Musiques au pluriel », a illuminé de son talent l’abbaye de Boulbonne, samedi dernier, à l’heure du thé au milieu d’un péristyle tout à fait adapté à son oeuvre sonore.Le concert commence par l’une de ces mazurkas que l’artiste a créées l’an passé. Fort influencée par l’Est européen, Orchia d’Orio y fait valoir sa solide technique russe de piano, héritage de celle qui la « fit » au Conservatoire de Toulouse, une certaine Simone Perrier. Technique sans cesse accompagnée d’un chant mélodique que vient soutenir l’arythmie de la mazurka. Quand soudain, un vrai élan romantique s’échappe de la valse éponyme, on pense secrètement à Frédéric Chopin.
La force de la composition.
Les époques de composition n’ont au fond que peu d’importance chez Orchia d’Orio, tant que la musique transpire de notes tantôt festives, tantôt mélancoliques.Cette créatrice hors pair peut rejouer cent fois son oeuvre fondatrice (« La Mer »), elle y met un peu plus d’elle-même à chaque interprétation, quand beaucoup, usés du morceau, bâcleraient la partition.
Solennelle, Orchia d’Orio sait l’être malgré un naturel qui la tirerait volontiers vers l’espièglerie (« Souris Gustine » et la pièce remarquable, « Grand-mère Yvonne », jouée et parlée en fin de concert).C’est dans des oeuvres magistrales, telles « Neige dans la Nuit » ou « Dernier vol du papillon », où elle atteint un réel niveau de complexité, que la pianiste donne le meilleur d’elle-même. Incroyable force sonore au bout des doigts de cette fée conductrice issue d’un autre siècle!
A l’heure où tous, ou presque, nous abreuvent -souvent avec bonheur du reste- des grands noms du clavier, Orchia d’Orio n’a qu’à puiser dans sa magie créatrice pour faire chavirer le public.
Dieu, que ce talent mériterait infiniment plus que les succès d’estime qu’elle recueille partout où elle se produit.Xavier Hurtevent. 9 /8 /2017 - Dépêche du Midi - Muretain.